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par Son of a Pitch / Florian Billion Fabriquer le son d'un film de Chloé Mazlo, c'est une aventure passionante, quoiqu'un brin terrifiante. D'abord parce que -évidemment- bosser sur du stop-motion implique de se voir remettre un grand néant sonore: aucun son caméra n'est là (puisque ce ne sont que des photos). Ce qui établit un point de départ très différent des autres boulots de ce type en cinéma. Ensuite parce que la réalisatrice elle même a une façon bien à elle de diriger son équipe: habituée à travailler seule ou en équipe très réduite, ses requêtes et indications s'expriment dans une poésie fleurie tout à fait éloignée des jargons techniques habituels. Si cela peut être déconcertant au début, il s'avère rapidement qu'en dépit des apparences, Chloé a une idée très précise de ce qu'elle souhaite. Mais cette précision concerne l'énergie de telle ou telle séquence, l'intention générale du couple image/son, bref le rendu final du travail dans sa globalité. Pas ou très peu d'indications sur des détails, des courts instants en particulier etc. Et donc au final, pour peu que l'on ait vaguement compris son fonctionnement interne, elle laisse une liberté quasi-totale au concepteur sonore. En gros, une fois la peur du vide passée, c'est un plaisir gigantesque et fort ludique que de bosser pour elle. En ce qui me concerne, après plusieurs (très) courts-métrages, deux clips, et quelques lives (VJ + DJ) avec cette sémillante jeune femme, une certaine osmose s'était déjà instaurée entre nos deux univers lorsque nous nous somme attelés au film Deyrouth. Sur Deyrouth, j'ai commis le montage son, donc la sonorisation de chaque action à l'écran (puisque, je le rappelle, les scènes me sont envoyées intégralement muettes). Je suis aussi responsable de toutes les musiques qu'on entend dans le film, mais c'est bien l'expérience de montage qui m'aura marqué puisqu'elle m'a fait découvrir le métier de bruiteur (à ma modeste échelle, hein). J'ai très vite adopté le parti pris d'utiliser un strict minimum de banques de sons, samples et autres bruits micro-ondables, pour faire la majorité des sons à la bouche ou à l'aide d'objets du quotidien. Dans beaucoup de cas, on ne peut pas vraiment reconnaitre les bruits faits à la bouche car ils sont traités par de multiples effets, ni reconnaitre les objets utilisés (bouteilles en plastique, paquets de chips, morceaux de bois) mais le résultat final est une ambiance qui colle, je pense, à l'univers de Chloé Mazlo: une esthétique faussement foutraque, un peu fragile, précaire pour être exact; et qui peut évoquer ce qui se passe dans la tête d'un gamin qui jouerait avec une petite voiture ou un bout de bois. En fait c'était mÍme le leitmotiv de ma conception sonore pour ce film: tenter d'imiter l'enfant qui se persuade que les bruits de ses lèvres sont une explosion, un moteur de fusée, une foule qui hurle... Côté musique, c'est très proche de ce que je fais en solo: du Dubstep et du Dancehal (musiques anglo-jamaïcaines riches en basses et en rythmes lourds et saccadés), mais dans une version très... personnelle. Ce film s'apprécie mieux avec un caisson de basses, si possible bien réglé, j'en profite pour le dire... J'ai tâché dès que c'était possible d'adapter ces morceaux au montage du film, quitte à les "stretcher" (ralentir/accélérer) ou adapter la structure; puisque le montage image précédait le montage son, je ne pouvais pas compter sur un montage rythmique à la manière d'un clip, j'ai donc tenté de coller au "groove" de l'image. Même dans les moments sans musique, l'idée de rythme reste une obsession et le moindre bruitage est pensé en termes "musicaux". Vous pouvez écouter mes morceaux, dont un petit nombre se retrouve dans le film, en version adaptée, aux adresses suivantes: |
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Vous écoutez un extrait de la bande son du film | |
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