Une recherche de toujours… mais une découverte inattendue  

 

 

L’envie de faire un film à Europa, et l’aventure personnelle que cela suppose, m’a obligée à faire une sorte de « point », de retour en arrière. Pourquoi ? Parce que je ne m’attendais pas du tout à souhaiter si fort filmer et partager la vie de 14 militaires, sur une île déserte. Parce que bien des gens autour de moi se sont demandé ce que j’allais faire là-bas. Coupée du monde durant 50 jours.

Ce n’est pas la volonté de faire « un sujet » sur l’armée ou sur la France qui m’a conduit vers eux. C’est la suite de ce que je cherche de film en film. C’est difficile à décrire mais ça tourne autour des rencontres imprévues qui bousculent la vie, qui permettent de se sentir vivant, qui nous surprennent. C’est peut-être la seule quête qui compte au point de balayer, en l’occurrence, certains de mes préjugés vis-à-vis des militaires.

Je crois en effet que mes films, qu’ils soient de fiction ou documentaire, ont en commun de s’attacher à des personnages qui acceptent ou sont obligés de bouleverser leur vie. Et souvent, moi aussi avec eux.

Tels les jeunes français en difficulté de « La vie en chantier » qui partent pour la première fois en Afrique ; les deux vieux de « Luis et Margot » qui tombent amoureux à la fin de leur vie ; la jeune femme de « Lili et le baobab » qui affronte seule une communauté inconnue…

Cette capacité à bouger, à changer, à désirer malgré tout, à résister, fait partie de ce que j’admire le plus chez les autres. Les regarder, les entendre, les filmer dans cette mise en mouvement, me donne du courage à vivre.

J’aime aussi infiniment cet étonnement d’être ensemble alors que la vie habituelle fait qu’on ne se serait sans doute jamais rencontré. En tout cas pas comme ça. Pas si près.

C’est pourquoi je choisis souvent les huis clos. Je crois que la situation d’autarcie provoque un concentré des « états de l’âme ». Permet d’aller plus vite à l’essentiel. Mais rend aussi les sentiments visibles, plus lisibles. Propose un territoire où l’occupation de l’espace par les personnages, les déplacements… dessinent les émotions.

Comme dans « Un jour, je repartirai… », où de vieux immigrés vivent dans un foyer où « tourner en rond » n’est pas une expression mais une réalité tangible, filmable ; ou encore cette laverie de « Charles Péguy au lavomatic » où l’espace restreint donne à voir comment les rencontres se nouent…

Et puis il y a un continent qui a traversé quasi tous mes films. Parfois frontalement, parfois de côté. L’Afrique.

Après « Lili et le baobab », j’avais envie qu’un voyage en cargo soit le lieu de ma prochaine histoire. Un lieu unique, mais pour une fois en mouvement. Un voyage au large de l’Afrique, mais sans s’y s’arrêter. Des personnages venus là pour faire une pause. D’autres privés d’une partie de leur vie par le travail.

J’ai posé les jalons d’une fiction sur un cargo… J’ai hanté les ports de la côte normande… les librairies… J’ai cherché… J’ai parlé… à beaucoup de gens… Je suis partie dans l’Océan Indien… Entre La Réunion et les Kerguelen j’ai croisé l’Albatros et son équipage… Pour être autorisée à monter sur le navire, j’ai rencontré le général commandant les armées françaises de l’Océan Indien.

Après avoir visionné « Lili et le baobab », cet homme a eu l’intuition que je ne cherchais pas au bon endroit. Il m’a alors proposé de découvrir une des 5 îles éparses sous son commandement, Europa.
Je n’en n’avais jamais entendu parler.

 

 

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