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Note d'intention
Wakefield n'est personne à l'échelle de la communauté, il n'est presque plus personne à l'échelle de son foyer, mais c'est encore trop… Il veut être moins. Il déborde du vide qui remplit nos illusions de normes sociales. Pour s'en dégager, il fait un pas de côté et s'ouvre un angle différent sur son existence – il fait un pas à côté de sa non-existence, à une rue de chez lui. Et puis, vingt ans plus tard, il rentre comme il est parti, presque par hasard. La nouvelle de Hawthorne se distingue par la façon dont l’auteur s’empare d’un fait divers insolite pour nous emmener très loin dans une méditation introspective. Le film propose une adaptation littérale et ambiguë de cette nouvelle. Littérale car le texte de la nouvelle est entièrement lu en voix-off, on la suit à la ligne et au mot, elle est la partition que les images interprètent. Ambiguë car cette interprétation donnée par l'image est ambivalente : parfois, elle concorde exactement avec le texte, mais souvent, elle s'affranchit de celui-ci et donne à voir une vision alternative de l'étrange histoire qui nous est racontée. Il ne s'agit pourtant pas de superposer deux récits différents, d'opposer systématiquement parole et image, mais de s'approprier l'histoire singulière de Wakefield avec les moyens du cinéma. Dans la nouvelle, le récit se présente déjà comme les réflexions hypothétiques du narrateur à propos d'un fait divers lu dans un journal. Le film propose d'y ajouter, au moyen des images, une autre hypothèse, une alternative contemporaine, comme si deux témoignages différents se superposaient, l'un sous forme de mots et l'autre en images. Le film est conduit par la voix d’un narrateur, qui est celle d'un homme pleinement absorbé par son récit. Celle-ci, à la fois grave et délicieusement ironique, doit rappeler celle d'un Orson Welles contant en ouverture l'histoire des Amberson ou de Philip Marlowe tentant de dénouer les fils d'une ténébreuse affaire. C'est la voix d'un homme qui raconte une histoire à laquelle il a longuement pensé et qui lui a inspiré des réflexions qui ont un caractère universel. En ce sens, WAKEFIELD est un conte moral moderne. La structure du film reflète le caractère approximatif de ce qu'on sait du personnage et de son histoire, tout comme de son comportement. Wakefield est une approximation, une hypothèse et la forme ouverte du film en est l'illustration et sa justification. Ainsi, si le narrateur ancre le récit à Londres et au 19ème siècle, le film se joue de nos jours, dans une ville générique. Il n'y a pas à choisir entre les deux propositions. Le sens du film, son intérêt se trouve quelque part entre ces différentes possibilités, dans cette indétermination. Le spectateur est pris entre deux feux croisés afin qu'il trouve lui-même sa place, comme Wakefield cherche la sienne. De la même manière, alors que la nouvelle se déploie sur une vingtaine d'années entre le départ et le retour de Wakefield, dans le film, la durée de l'action est volontairement imprécise, les personnages ne vieillissent pas et aucun repère temporel n’est identifiable. Nous ne connaîtrons jamais les motivations de Wakefield, et son mystère restera toujours entier. Mais notre Wakefield sera incarné de la façon la plus précise possible et le film joue sur les détails. Les cadres seront serrés, saisissant le moindre geste et les attitudes les plus fugitives comme autant de scènes d'actions et de spectaculaires rebondissements. La palette de couleurs sera restreinte, la lumière pointera l'action, isolera l'objet ou le geste et en fera clairement son sujet grâce à une faible profondeur de champ. WAKEFIELD est un film d'aventure, une aventure anti-sportive (survêtement et clope au bec), anti-exotique – le petit écart en lieu et place du grand… Pourtant, l'enjeu est important : il s'agit de trouver une faille et de s'y infiltrer, non pas pour échapper à notre destinée sociale, mais pour en agrandir, repousser les contours… Wakefied y chute bien malgré lui et nous y entraîne de bon gré : en héros de notre temps, en héros du temps libre. |
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Musique de Benoit de Villeneuve & Benjamin Morando | |
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